À cause du dérèglement climatique, des vignerons s’installent au nord de la Loire dans des zones où la viticulture n’existait pas il y a quelques années.
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Sous l’effet du réchauffement, la carte du vignoble français se redessine, repoussant toujours plus au nord l’émergence de nouveaux territoires viticoles. Bourgeonnement précoce, gel tardif, sécheresse, maladies… La culture de la vigne est particulièrement sensible aux bouleversements. Et même si, « contrairement à l’Espagne et à l’Italie, la France n’est pas le pays le plus exposé », rassure d’emblée Cornelis Van Leeuwen, professeur de viticulture à l’école d’ingénieurs Bordeaux Sciences Agro (Gironde), le secteur viticole hexagonal réfléchit, depuis quelques années déjà, aux meilleures manières de faire face à une hausse des températures de 2 à 4 degrés d’ici à 2100.
Bretagne, Normandie, Ile-de-France, Hauts-de-France : de nouveaux territoires propices à la viticulture
« L’enjeu n’est pas simplement de faire du vin dans un climat plus chaud, comme en Inde ou à Tahiti, mais d’élaborer un produit de qualité à des rendements économiquement rentables », poursuit le chercheur, coauteur d’une cartographie de l’évolution mondiale des vignobles face au changement climatique (publiée au printemps dernier dans la revue Nature). Or les vagues de chaleur accélèrent la maturation de la vigne – dans la plupart des régions viticoles, les vendanges commencent déjà deux à trois semaines plus tôt qu’il y a quarante ans – altérant la qualité des vins et leur complexité aromatique. Les crus sont plus sucrés, plus alcoolisés, moins acides. Pour faire face à ces aléas et préparer l’avenir, les vignerons s’adaptent. Mais ils partent aussi à la conquête de régions, situées toujours plus au nord de la Loire. Cette recherche de nouveaux territoires propices à la viticulture professionnelle a coïncidé avec l’assouplissement, au niveau européen, du droit de plantation. Depuis 2016, il est en effet possible de cultiver des vignes partout en France et d’en commercialiser le vin issu de ces ceps. Dans ce contexte, des terres comme la Bretagne, la Normandie, l’Ile-de-France et les Hauts-de-France font figure de pays de cocagne. Reste à savoir si les consommateurs seront séduits par une bouteille de Dantelezh, un blanc breton élaboré au Vignoble de Rhuys, autant que par un anjou ou un mâcon-villages.
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Bretagne : les vignerons rêvent de grands crus
Nombre de viticulteurs : 51*
Surface : 75 hectares*
Le vin breton concurrencera-t-il un jour les crus bourguignons ou bordelais ? Depuis quelques années, la Bretagne administrative — Côtes-d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine et Morbihan — se rêve en nouvel eldorado de la viticulture française. L’histoire a démarré dans les années 1990 avec l’émergence de petits vignobles associatifs prouvant qu’il était possible de faire du vin dans la péninsule. « Sur le littoral sud du Morbihan et du Finistère mais aussi autour de Rennes, les températures annuelles moyennes des trente dernières années sont similaires à celles de Bordeaux dans la période 1950-1980, observe Valérie Bonnardot, enseignante-chercheuse à l’université Rennes 2. Et cela risque de s’accentuer. On parle même d’une « méditerranéisation » du régime pluviométrique breton d’ici à la fin du siècle, avec des étés beaucoup plus secs. » Une mutation qui peut être vue comme une chance.
On assiste ainsi au développement de vignobles professionnels principalement autour du golfe du Morbihan et sur les bords de la Rance. Certains remportent même de beaux succès : le premier domaine viticole professionnel breton, Les Longues Vignes, installé à Saint-Jouan-des-Guérets, au sud de Saint-Malo, a reçu le prix de la Découverte 2024 de La Revue du vin de France. Sur quatre hectares à flanc de coteau, ses sols sablo-argilo-limoneux et ses sous-sols de schistes offrent un terroir propice à l’épanouissement du chardonnay, du pinot noir, du pinot meunier ou du grolleau. Ailleurs, comme sur l’île de Groix où des vignes ont été plantées en 2019, le sol schisteux est favorable au chenin (très répandu en Anjou) ou à la folle-blanche, variété historique du pays nantais. Signe de montée en puissance du secteur en Bretagne, une filière viticole a vu le jour en 2021 au lycée agricole Kerplouz-La Salle, à Auray (Morbihan).
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Hauts-de-France : vendanges sur les terrils
Nombre de viticulteurs : 58*
Surface : 99 hectares*
Au pays des betteraves sucrières et des pommes de terre, la vigne est bien placée pour remplacer les cultures traditionnelles. Jugée plus résiliente face aux aléas du climat, elle s’impose depuis quelques années comme un choix de culture pragmatique pour les agriculteurs. Dans la Somme et dans l’Aisne, un groupement d’agriculteurs viticulteurs dénommé « Les 130 » a ainsi vu le jour en 2019. Son objectif : mener un travail sur l’exposition, l’environnement et l’adaptation de la terre dans les différentes exploitations concernées pour adapter au mieux les cépages à leur environnement. Deux cuvées d’un chardonnay 100 % Hauts-de-France ont déjà été commercialisées.
Le collectif vise une production de 450 000 bouteilles en 2026. Si la démarche est encore marginale, des parcelles tests voient le jour ailleurs, comme dans le Pas-de-Calais, où sur les pentes schisteuses du terril d’Haillicourt s’étend le vignoble le plus septentrional de France. Ses deux hectares de chardonnay donnent un vin blanc bio, baptisé le « Charbonney » en référence à son sol et son cépage.
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Un peu plus loin, près du château d’Olhain, le sol calcaire à silex offre un terroir proche de celui de certains vins de Chablis. S’y épanouissent depuis 2021 les pieds de chardonnay et de pinot gris d’un couple de vignerons indépendants du domaine Terres de grès. Leurs deuxièmes vendanges, cette année, vont leur permettre de produire près de 10 000 bouteilles de vin blanc naturel.
Normandie : déjà une IGP vin du Calvados
Nombre de viticulteurs : 27*
Surface : 35 hectares*
En 1995, lorsqu’il a créé son demi-hectare de vignes sur les terres argilo-calcaires de Saint-Pierre-sur-Dives, dans le Calvados, Gérard Samson a fait figure d’illuminé. Le précurseur avait pourtant minutieusement étudié son affaire : « Il avait découvert que sa parcelle était garnie de vignes avant la Révolution – elle figurait sur la carte de Cassini – et se trouvait sur le même étage géologique que la côte de Nuits », explique Étienne Fournet, propriétaire du domaine depuis un peu plus d’un an. Aujourd’hui, les 6,6 hectares plantés de pinot noir (dont sont issus la plupart des grands crus de Bourgogne), de chardonnay, de pinot gris et d’auxerrois permettent la production de vins rouges et blancs bénéficiant de l’indication géographique protégée et sélectionnés par le Guide Hachette des vins.
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Ce vignoble, longtemps resté le seul de la région, a inspiré depuis 2016 une trentaine de vignerons, impatients de développer la filière. « Au fond, la difficulté ce n’est pas le sol ni le climat, relève Édouard Capron, viticulteur à Freneuse, au sud de Rouen (Seine-Maritime), et président de l’association Vignerons de Normandie, c’est de créer un environnement favorable pour structurer le secteur. Nous avons besoin de fournisseurs, d’équipements, de formations et de compétences. »
Si l’envie est bien là, il faudra cependant attendre quelques années avant de goûter à de grands crus normands. « Nous n’avons encore que peu de recul sur les modes de vinification adaptés à la région, donc nous expérimentons », poursuit Édouard Capron. Avant de conclure, non sans humour : « Edmond de Rothschild avait coutume de dire qu’en viticulture le plus dur c’étaient les deux premiers siècles. Il faut être patient, nous avons devant nous une page blanche. » Reste à l’écrire.
Ile-de-France : renaissance d’un passé royal
Nombre de viticulteurs : 33*
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Surface : 47 hectares*
Jusqu’au début du XIXe siècle, la région possédait le plus grand vignoble de France, s’étendant sur 52 000 hectares et quelque 300 communes. Il fallait bien faire boire la cour ! L’arrivée du chemin de fer et l’industrialisation de la région ont eu raison de ces vastes parcelles. Depuis une trentaine d’années, des vignerons passionnés tentent de faire revivre cette activité. Leurs efforts ont été récompensés en 2021 par l’obtention d’une indication géographique protégée (IGP), gage de qualité et d’identité pour les vins produits. Le cahier des charges autorise une large gamme de cépages (73 !) – chardonnay, chenin, riesling ou viognier pour les blancs, cabernet sauvignon, pinot noir, gamay ou syrah pour les rouges — sur onze départements (les huit de l’Ile-de-France administrative, auxquels viennent s’ajouter l’Oise ainsi qu’une partie de l’Aisne et de l’Eure-et-Loir). La diversité des sols du Bassin parisien — argile, calcaire, sables, marnes, limons — permet au large éventail de cépages de s’épanouir et aux vignerons de faire des tests. Blancs, rosés et rouges sont vinifiés en vins tranquilles (non effervescents). Le Syndicat des vignerons d’Ile-de-France projette d’atteindre 400 hectares de vignes en production IGP d’ici à 2030.
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Le bio, un secteur en plein essor
En France, le vin bio a le vent en poupe. Si les chiffres de l’agriculture biologique témoignent d’un ralentissement du secteur tant en surface qu’en consommation, ceux de la filière viticole bio tiennent le choc. Selon les dernières données de l’Agence Bio, les surfaces ont augmenté de 1,6% en 2023 et le nombre de producteurs a progressé de 2,5 %. Côté marché, le vin bio ne connaît pas la crise. Alors que la consommation d’alcool des Français diminue d’année en année, la filière viticole bio peut se targuer d’une hausse de 9,2 % de ses ventes. Ces dernières se font essentiellement chez le producteur ou chez les cavistes et dans une bien moindre mesure en supermarchés, la grande distribution ne représentant que 19,1 % des ventes en France.
S’adapter pour survivre au dérèglement climatique
Moins effeuiller les vignes pour éviter que les grains de raisin ne brûlent, maintenir un couvert végétal et éviter le labour pour préserver la vie du sol et son humidité, planter arbres et arbustes sur les parcelles afin de créer de l’ombre et gagner ainsi quelques degrés de fraîcheur… Autant de pratiques adoptées par les vignerons pour faire face aux conséquences du dérèglement climatique dans les vignobles. Un autre levier d’action consiste à privilégier la plantation de cépages rustiques, plus résistants. « Dans le Languedoc, par exemple, on pourrait s’orienter vers le mourvèdre et le carignan, plus tardifs dans leur maturation », préconise ainsi le chercheur Cornelis van Leeuwen. Quant à l’irrigation, elle est controversée et n’apparaît pas aux yeux des scientifiques comme une solution à long terme tant les ressources en eau sont sous tension.
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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Consommer avec modération.
* Ces chiffres sont les données fournies par les douanes françaises en 2023. Ils sont en constante augmentation.
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