La mobilité bioGNV a besoin pour se développer de pouvoir s’appuyer sur une solide filière de la méthanisation. Le 16 novembre dernier, l’AgriCampus de Laval offrait son cadre à la huitième journée interrégionale du biogaz. GRDF, GRTgaz et l’association Aile tenaient à présenter un panorama au présent et les raisons de croire dans le redémarrage de l’écosystème.
En sa qualité d’accueillant, David Tronchet a lancé l’événement. Le lycée agricole qu’il dirige à Laval offre aux élèves et stagiaires deux plateaux techniques, respectivement dédiés à l’agroalimentaire et au cheval. Son établissement endosse des rôles qui se diversifient. Ainsi depuis la formation jusqu’à une nouvelle mission d’accompagnement des transitions en passant par l’animation des territoires et l’insertion. Ce que le certificat de spécialisation « Responsable d’unité de méthanisation agricole », ou « CS Ruma » pour les intimes, illustre très bien. Ouvert aux jeunes, aux demandeurs d’emploi, aux salariés en reconversion et aux chefs d’entreprise, ce module pour adulte se prête aussi bien à la formation continue (6 mois) qu’en alternance (1 an).
« Nous avons dix unités de méthanisation en support », a souligné David Tronchet. L’objectif du CS Ruma est « d’amener l’apprenant à maîtriser, seul ou en équipe, le fonctionnement et le pilotage d’une unité de méthanisation en partant de son approvisionnement jusqu’à la valorisation du biogaz et du digestat », détaille la documentation diffusée par le lycée agricole de Laval.
Formations complémentaires ou de mise à niveau
L’établissement propose également sept modules courts ciblés en rapport avec la méthanisation. Deux s’intéressent à la biologie. Ainsi une mise à niveau de 7 heures avec des apports théoriques et des échanges autour de retours d’expérience, et un approfondissement de 17,5 heures comprenant en particulier une visite de site et des travaux pratiques en labo. Deux autres modules concernent l’électricité, le premier pour faire le tour de la question en 10,5 heures, et le second pour décrocher en 21 heures les habilitations BC (Chargé de consignation) et BR (Chargé d’interventions générales sur de la basse tension).
Les trois autres modules portent sur les rondes de surveillance (7 heures, avec des travaux de groupe pour une adaptation à son propre site), les risques liés au gaz (21 heures, comprenant une intervention sur méthaniseur), et le suivi administratif (14 heures).
Et si l’AgriCampus ajoutait un lien direct avec la mobilité au bioGNV ? Comment ? Cet utilitaire Citroën C15 qui sillonne le vaste site pour son entretien, aujourd’hui diesel mais neuf en apparence malgré son ancienneté, nous le verrions bien converti un jour au bioGNV. D’autant plus que la société Faral, implantée dans cette ville de la Mayenne, a fait une de ses spécialités ce type de conversion.
Développer la filière de la méthanisation dans les Pays de la Loire
Délégué à la transition écologique et énergétique des Pays de la Loire, Roland Marion a témoigné de la volonté de sa région « de développer la filière de la méthanisation ». Il compte motiver ceux qui pensent que « c’est plus compliqué aujourd’hui que ce le sera demain », en assurant que « c’est plus facile aujourd’hui que ça l’était hier ».
Le territoire a identifié quatre piliers fondamentaux de développement : la qualité de l’eau, la biodiversité, la gestion des déchets, et l’énergie. La méthanisation et la mobilité bioGNV touchent particulièrement les deux derniers. Les Pays de la Loire ont déjà décroché la première place « en termes de mobilité partagée, rénovation des bâtiments et énergies renouvelables ». La double ambition du territoire pour 2050 : être « une région à énergie positive, et une région neutre en carbone ». Pour cela, un deuxième site d’éoliennes offshores émerge et le photovoltaïque « est en très forte croissance depuis la crise en Ukraine. Dommage d’attendre qu’il y ait une guerre ! ».
Concernant la méthanisation, les Pays de la Loire comptent multiplier par vingt les capacités actuelles. Roland Marion compte pour cela sur une amélioration de la situation économique, par l’intermédiaire en particulier des tarifs d’achat : « Il faut trouver un meilleur équilibre pour que ce soit viable. Les territoires doivent être interrogés et pourraient éventuellement participer ».
De quoi faite rouler 12 000 voitures au bioGNV en Bretagne
Hugo Kech est chargé d’études en méthanisation pour l’association Aile (Initiatives énergie environnement). Il a comparé les situations dans les Pays de la Loire et en Bretagne, qui comptent respectivement 151 et 230 unités de méthanisation, dont 53 et 76 injectent sur le réseau de gaz. Dans la première région, parce que leurs intrants proviennent au moins à 51 % des cultures et de l’élevage, 74 % sont des sites considérés comme agricoles. Cette part est de 93 % en Bretagne. Les autres méthaniseurs sont de type industriel ou de collectivité.
Malgré 50 % d’unités en plus en Bretagne, la production d’énergie primaire est similaire dans les deux régions, autour de 1,6 TWh. Un équilibre que l’on retrouve d’ailleurs assez bien en ne s’intéressant qu’aux sites qui procèdent à l’injection. GRDF communique ainsi sur 808 GWh de gaz vert par an dans les Pays de la Loire et 826 GWh en Bretagne. L’Aile indique pour cette dernière que les 230 unités de méthanisation fournissent au territoire 1,3 % de sa consommation d’électricité (107 000 foyers hors chauffage) et 4,8 % de ses besoins en gaz. Ce dernier volume équivaut à 164 000 voitures particulières parcourant en moyenne 12 000 km à l’année.
Différence de traitement pour la cogénération
Toujours en Bretagne, sur les 29 unités de méthanisation mises en service en 2023, 16 sont orientées vers l’injection, 9 alimentent une chaudière, et seulement 4 sont dédiées à la cogénération. D’où une augmentation de la capacité limitée à 2 % pour cette dernière, quand elle atteint 27 % avec l’injection.
Eleveur porcin dans le Morbihan, Jean-Marc Onno est président de l’association des agriculteurs méthaniseurs bretons et vice-président pour la structure élargie à la France. Son unité en cogénération est la deuxième de la région en importance et dans les dix premières au niveau national. Ce qui a laissé planer un avenir très sombre sur la cogénération, c’est une fracture avec le cas des unités en injection qui ont bénéficié plus tôt d’aides à l’achat de la production. « La situation était difficile et nous n’avions plus d’avenir », a résumé Jean-Marc Onno.
Une situation à stabiliser
Rappelant que « l’élevage fournit l’industrie agroalimentaire et entretient le pays », le vice-président de l’association des agriculteurs méthaniseurs de France se veut aujourd’hui plus serein tout en continuant à se mobiliser. Déjà parce que la Dreal « accorde vraiment une écoute attentive » à cette filière : « Ce sera avec un dialogue que la cogénération trouvera sa place ».
Différents leviers sont désormais activables ou pourront prochainement l’être. C’est par exemple la possibilité de réviser les contrats pour prioriser l’autoconsommation et ne vendre que le seul surplus. A la clé, une situation financière améliorée mais aussi la possibilité de verdir leur mobilité avec leur propre production. Les aides, ce sont aussi des coefficients multiplicateurs ajoutés dans les calculs des actes signés avec Enedis et EDF OA. Certaines mesures vont bénéficier d’un effet rétroactif. Pour une installation de 300 kW, les gains annuels peuvent s’élever à 35 000-40 000 euros en jouant sur un simple levier. Ce que souhaite aujourd’hui Jean-Marc Onno, c’est déjà « sécuriser la cogénération pour 5 à 10 ans » avec des mesures qui n’en restent pas au stade « de pansement sur une jambe de plâtre ».
Les 4 mécanismes tarifaires du biométhane
Sur son site Internet, GRTgaz consigne la hausse des tarifs d’achat du biométhane consécutive à la publication de trois décrets en date du 13 juin 2023. Il faut en retenir en particulier que les nouveaux tarifs bénéficient d’une augmentation d’environ 15 % qui tient compte de l’inflation des prix sur l’électricité, et qu’une prime annuelle a été créée pour récompenser l’autoconsommation de biogaz.
A l’AgriCampus de Laval, ce jeudi 16 novembre 2023, GRTgaz était représenté par Romain Verles, délégué territorial adjoint. Il a présenté les quatre mécanismes tarifaires du biométhane au moyen d’un jeu vrai/faux avec le public co-animé avec Pascal Garçon, responsable pour le développement du biométhane Centre-Ouest chez GRDF. A l’achat en mode guichet réservé aux nouvelles installations depuis novembre 2020, s’ajoute déjà l’appel d’offres de la Commission de régulation de l’énergie. Devant servir les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 2023-2028), il ne concerne que les nouvelles installations qui présentent des capacités d’injection supérieures à 25 GWh/an.
Troisième mécanisme d’achat, les certificats de production de biogaz (CPB) doivent également servir les ambitions nationales et territoriales. Financé par les clients fournisseurs d’énergie, le système est encouragé par l’Etat. Il concerne les unités nouvelles comme déjà existantes, aussi bien pour l’injection que la cogénération. Enfin, le contrat commercial privé à long terme BPA de gré à gré est la formule la plus libre : tous les termes sont négociés. Il peut être établi en direct entre le producteur et le consommateur final, ou avec un fournisseur de gaz intermédiaire.
« Les 44 TWh annuels injectés sont accessibles »
Directrice gaz renouvelables chez GRTgaz, Céline Heidrecheid-Rousseau a confirmé le fossé existant entre l’injection et la cogénération au niveau des aides : « C’est le même combat qu’en 2020, avec alors la période Covid puis la crise en Ukraine qui a provoqué la hausse des tarifs des énergies ». Ce qu’elle trouve aujourd’hui très encourageant pour la méthanisation en général, c’est que « la position des pouvoirs publics est en train d’évoluer ». Le biogaz « est enfin perçu comme une énergie qui a toute sa place pour la décarbonation et la souveraineté énergétique ».
Elle a rappelé ces chiffres encourageants qui croisent l’objectif national de 6 TWh annuels pour 2023 et la production vraiment injectée sur le réseau par les méthaniseurs : 7 TWh en 2022, et 12 TWh pour 2023, soit le double de la cible de la PPE. Du fait des tensions dues à la crise Covid et au conflit russo-ukrainien, elle s’attend à « des trous d’air sur les années 2024 et 2025 ». Entre les deux PPE, l’objectif a été revalorisé à 44 TWh annuels injectés. Selon Céline Heidrecheid-Rousseau, la nouvelle feuille de route apparaît « accessible » grâce aux mécanismes d’achat soutenus par le gouvernement.
Des craintes
Des craintes, la directrice gaz renouvelables chez GRTgaz en a surtout pour plus tard, à partir de 2035, « car beaucoup de secteurs veulent mobiliser la biomasse. En particulier l’aérien ». Pour lui, elle envisage plutôt « l’électricité et l’hydrogène, qui pourront fournir ce secteur en électro-carburants ».
Et les secteurs de l’industrie ? « Une part des certificats CPB peut être utilisée par les industriels pour leur décarbonation. Sinon, ce sera via des contrats directs BPA ». Céline Heidrecheid-Rousseau se veut optimisme : « Du côté de la production et des usages, les voyants sont au vert : la filière va reprendre ». Pour elle, il n’y a pas que la méthanisation. Elle compte aussi sur « la pyrogazéification qui valorise les déchets solides. Avec l’AMI de 2022, 60 projets environ ont été identifiés, dont une vingtaine sont avancés au stade du cahier des charges à établir ». Elle a ajouté la méthanation et « la gazéification thermale pour laquelle une première unité industrielle se développe aux Pays-Bas ».
BioGNV
Concernant la mobilité, elle se réjouit « du projet de loi de finances pour 2024. C’est un combat de plusieurs années qui a été remporté, avec la taxe Tiruert qui s’ouvre au bioGNV. Enfin ce dernier est perçu comme un carburant renouvelable pour décarboner la mobilité ».
Ce qui n’est pas encore le cas au niveau européen : « Des discussions sont encore en cours et nous ne sommes pas encore complètement sereins pour que le bioGNV soit reconnu pour la mobilité durable. Il ne faudrait pas que l’interdiction des autobus thermiques arrive trop rapidement. Il y a heureusement cette clause de revoyure en 2027. Il va falloir rester mobilisés sur ce sujet-là ».
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