Les grands chênes du bourg de Calorguen n’avaient plus vu de course cycliste depuis plus d’un quart de siècle. Mercredi soir, ils ont pu en voir passer deux, une Access et une Open 1-2-3. Les deux épreuves ont même reçu une participation internationale avec la venue d’une délégation du Centre Mondial du Cyclisme composée de coureurs africains (voir notre galerie photos). Le samedi d’avant, les mêmes étaient à Montfort-sur-Meu pour un critérium et à Ruca, auparavant.
Si ces coureurs sont en Bretagne depuis la fin mai, c’est qu’ils font partie du « programme spécial UCI Africa 2025 » mené par l’UCI et les comités olympiques africains. « L’UCI soutient ce projet dans le cadre du développement du vélo dans les pays émergents« , indique Nicolas Dubois qui coordonne ce programme sur place. Le premier objectif est le Championnat du Monde 2025 au Rwanda, le premier qui se tiendra en Afrique. « Mais ça ne s’arrête pas là. Il y aura les Jeux olympiques de la Jeunesse à Dakar en 2026 et les JO de 2028 », ajoute-t-il.
DANS QUATRE CLUBS BRETONS
Actuellement une douzaine de coureurs sont sur place. « Des Juniors rwandais vont nous rejoindre« , ajoute le Champion de France Amateurs 1989. Des allers-retours sont aussi prévus. « Après Calorguen, nous retournons en Algérie pour le Championnat national« , indique Mohamed Ksir qui fera le voyage avec son compatriote Ayoub Ferkous. Pour les encadrer, ils peuvent compter sur Clint Hendricks, l’ancien coureur sud-africain, passé par Martigues SC, reconverti entraîneur grâce à Jean-Pierre Van Zyl, directeur du développement en Afrique pour l’UCI. Les filles sont suivies par Christine White, une ancienne cycliste anglaise qui a couru face à Jeannie Longo et Rebecca Twigg. Elle a joué les éclaireurs en arrivant le 15 mai, une semaine avant la petite troupe. « J’ai repéré les itinéraires pour les sorties d’entraînement« . Le mécanicien, Benedict Moqumo, est un ancien stagiaire du CMC en Afrique.
Depuis son arrivée en France, Ayoub Ferkous a décroché le meilleur résultat de ses camarades avec la 2e place au sprint à Montfort-sur-Meu. Les coureurs ont été retenus pour leur valeur sportive. « Le choix s’est fait en fonction des résultats des Championnats nationaux et du Championnat d’Afrique complétés par des tests physiques, précise Nicolas Dubois. Le but est de faire venir des coureurs qui ont du potentiel« . En tout, ce sont 21 athlètes qui ont été identifiés, huit femmes et treize hommes. Parmi eux, un Cadet de Maurice, Juliano Ndriamanampy.
Le programme prévoit d’ici 2025 deux camps d’entraînement en Afrique du Sud et deux en Europe chaque année. « On suit le soleil« , sourit Clint Hendricks. Pour l’Europe, le CMC a choisi la Bretagne et pas seulement parce que Jean-Jacques Henry, chargé de la détection au Centre, est originaire de Plancoët. « C’est une terre de vélo. Il y a des courses régulièrement, c’est idéal pour apprendre le comportement en course« , constate Nicolas Dubois. « Terre de vélo » prend tout son sens quand il s’agit d’accompagner les coureurs et leur encadrement. Il a fallu trouver des clubs. « C’est une demande de l’UCI d’intégrer les coureurs dans des clubs« , explique Nicolas Dubois. Les garçons sont donc répartis entre le VC Dinannais, l’OC Locminé, le VC Mévennais et le CC Plancoët, l’ancien club de… Jean-Jacques Henry. Les filles portent le maillot jaune et vert du VC Pontivy. Bretagne Service Course leur loue les véhicules. Le comité de Bretagne arrondit les angles. « Le personnel et les élus du comité nous aident beaucoup. Nous avons reçu un super accueil« , apprécie l’ancien CTR du Centre.
« À NOUS DE LES FORMER AU MIEUX »
Pendant leurs trois mois en Bretagne, les stagiaires habitent à Gomené, petite commune des Côtes d’Armor, à la lisière du Morbihan, en plein dans la petite région du Porhoët. Les jeunes gardent un lien avec leur famille grâce à internet. Encore faut-il que le débit soit au rendez-vous. Le problème ne vient pas du côté africain. Gomené fait partie de ces communes oubliées par les opérateurs téléphoniques et qui n’ont pas la tête sous le robinet du haut-débit. « Il n’y a jamais de problèmes, il n’y a que des solutions« , glisse Nicolas Dubois. La maîtrise du français est une demande du programme. Mais l’apprentissage est en cours, à raison de deux cours par semaine entre les courses, grâce à une prof… anglaise, installée en Bretagne. Pour l’instant, il faut encore un interprète pour les coureurs qui montent sur le podium car le potentiel est bien là. Yoel Habteab s’est classé 4e à Calorguen, mercredi soir. Mais l’équipe du CMC ne veut pas s’enflammer. « Ils ont tout à apprendre. À nous de les former au mieux, ça va se passer petit à petit« , insiste Nicolas Dubois. « Être ici les protège des pressions et des attentes trop fortes qu’ils pourraient ressentir dans leur pays« , ajoute Clint Hendricks.
Les courses bretonnes sont un bon terrain de jeu pour progresser. « Les routes étroites sont idéales pour travailler la technique en peloton« , apprécie le Sud-Africain. « Les courses ici sont parfaites pour prendre de la vitesse« , ajoute Christine White. Mais elle espère pouvoir varier les parcours pour préparer le Championnat du Monde de ses protégées, comme Monique Du Plessis. « J’espère qu’on trouvera des courses plus longues avec des bosses car le parcours en ligne du Championnat du Monde Femmes Elites est très dur« . En revanche, le circuit dans Glasgow, pour les Juniors, « est plus facile« . L’entraînement passe aussi par de grosses séances. Dimanche, le lendemain de la course de Montfort, une sortie de quatre heures sur une route bosselée était au programme. « Pour venir à Calorguen, ils ont fait deux heures de vélo« , indique Clint Hendricks.
À Calorguen, un cycliste est venu les voir à pied, en voisin. Nicolas Dubois avait invité Bernard Hinault, citoyen illustre de la commune, à rencontrer les jeunes du CMC. Beaucoup le découvraient, et son palmarès avec. « Il a gagné cinq étapes du Tour ?« , répète l’un d’eux déjà épaté par la performance. « Non, cinq fois le Tour !« . Après la photo de groupe, chacun veut sa photo avec le Blaireau qui se prête de très bonne grâce à la séance. Christine White aussi, « Hinault était mon héros ! J’avais son poster« . Tout le monde est heureux en cette soirée d’été. Dimanche, la petite troupe va continuer son petit Tour de Bretagne avec le Grand Prix de la Roche-aux-Fées. Cette fois-ci, les garçons seront confrontés aux Elites pour la première fois. Et pas la dernière espère Nicolas Dubois. « L’idée, c’est que les coureurs passent en Elites, gagnent des courses et pour certains, participent au Championnat du Monde« .
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