« Protégeons-les ! » C’est le nom de la série estivale proposée par Ouest-France, cet été, pour sensibiliser et faire connaître quelques espèces à protéger, issues de la faune et de la flore du Morbihan. Dans ce département très touristique, Patrick Camus et Christian Fontaine, scientifiques et enseignants de formation, ont identifié une dizaine de spécimens qui méritent une attention particulière. Mais petit changement pour ce huitième volet : les deux scientifiques nous parlent cette fois-ci d’une espèce à éliminer : la griffe de sorcière.

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Sud-africaine

Originaire d’Afrique du Sud, la griffe de sorcière est aussi nommée figuier des Hottentots, du nom d’un peuple autochtone de la région du Cap. Ses fruits comestibles ressemblent, par leur forme, à de petites figues et contiennent des sucres, des protéines, mais aussi de l’eau. Les mammifères sud-africains y trouvent une source de nourriture.

Deux espèces de Carpobrotus, aux couleurs de fleurs différentes, sont présentes sur le littoral breton. Elles peuvent s’hybrider et Carpobrotus edulis est l’espèce la plus fréquente. Son nom scientifique signifie fruit comestible.

Succulente

Ses feuilles incurvées vers l’intérieur évoquent des griffes. Cette plante grasse ou succulente possède des feuilles de section triangulaire, charnues qui stockent des réserves d’eau, utiles lors des sécheresses. Elle produit, selon l’espèce, des grandes fleurs jaunes ou roses aux nombreux pétales étroits.

Ses tiges rampantes peuvent atteindre plusieurs mètres. Cette vivace se dissémine grâce à ses nombreuses graines, de l’ordre de 1 000 par fruit mais aussi par bouturage naturel.

Littorale

Sa présence est consécutive à son importation au XVII^e siècle. Plante ornementale, elle est utilisée pour décorer les talus et murets. Elle s’installe également dans les falaises. Gélive en dessous de -4 °C, elle se maintient durablement dans les communes littorales, le long des sentiers côtiers. Les quatre départements bretons sont aujourd’hui concernés, y compris les îles.

Exotique et envahissante

Les rongeurs et les oiseaux locaux consomment ses fruits et disséminent ses graines. Ses rameaux sont cassants et un simple tronçon de feuille s’enracine spontanément favorisant ainsi la colonisation d’un nouveau site. Ensuite, ses longues tiges couvrent le sol sur de grandes surfaces et épaisseurs et prennent la place des espèces locales.

La griffe de sorcière est donc une menace pour notre biodiversité bretonne. De plus, avide d’eau, elle assèche le milieu et le rend stérile. Sa commercialisation en jardinerie n’arrange pas la situation. Compte tenu de cette situation, cette plante colonisatrice est aujourd’hui qualifiée de plante exotique envahissante avérée en Bretagne par le Conservatoire botanique national de Brest (Finistère).

Chasse aux sorcières

Qu’elles soient sur le domaine privé ou public, les zones actuellement touchées par les griffes de sorcière doivent être, si possible, débarrassées de ces intruses, mais l’entreprise est complexe et parfois de taille. Il convient de privilégier l’arrachage manuel, en prenant soin de ne laisser aucun morceau.

Les déchets doivent être placés dans les sacs étanches, identiques à ceux destinés aux déchets ménagers. Ils ne doivent pas être mis en déchèterie, ni compostés avec d’autres déchets verts car les graines sont résistantes.

De plus, l’opération doit être renouvelée régulièrement sur les sites atteints car la banque de graines stockées dans les sols sera source de nouvelles germinations pendant plusieurs années. Ainsi, les fragments oubliés de plantes sont autant de nouvelles réinstallations potentielles.

Il y a donc lieu d’être tenace et de privilégier pour vos plantations des espèces indigènes et des plantes ornementales dont le potentiel invasif est nul. En suivant et en diffusant ces quelques conseils, vous limiterez l’érosion de la biodiversité locale en zone littorale bretonne.

En collaboration avec Samuèle Perrault, du Parc naturel régional du golfe du Morbihan.

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