Ligue des champions (5e journée). Ikast (DAN) – Brest BH, ce dimanche (16 h)

Comment avez-vous vécu votre signature dans votre club formateur ?

Forcément, c’est une fierté. Parce que ça fait très longtemps que je travaille pour ça. J’ai assez vite décidé de faire du handball mon métier, mais avant d’y arriver, il y avait énormément d’étapes. Donc, je suis très contente d’avoir réussi. Et puis, je repense à ces moments où j’étais dans les tribunes, petite, à regarder ces filles-là jouer. Je me disais : « Un jour, j’aimerais que ce soit moi ». Et comme je suis née ici, il y a une vraie identité qui se crée. C’est une étape importante, mais ce n’est qu’un premier contrat pro, pas une fin en soi. Une première marche dans une carrière qu’il faut bien mener.

D’autant plus que Brest n’est pas le club le plus simple où faire sa place.

Oui, c’est sûr. La marche est très haute, même par rapport au reste du championnat français. C’est un autre monde, celui de la Ligue des champions. La probabilité de signer ici n’était pas très élevée, je le savais. Mais j’ai eu la chance d’évoluer depuis deux saisons avec les pros, même si j’étais encore au centre de formation. Ça m’a permis de découvrir la routine, d’élever mon niveau à l’entraînement. Quand on s’entraîne avec certaines des meilleures joueuses du monde, on n’a pas le choix : il faut être au niveau. Et si on y arrive, on continue à progresser dans le club.

À un moment donné, avez-vous eu peur de devoir partir ?

L’an dernier, je me disais qu’il faudrait peut-être envisager un départ. Je savais que j’avais peut-être une petite place ici, mais ce n’était pas moi qui décidais. Et puis, Brest, c’est quand même un niveau au-dessus. Je ne l’aurais pas vécu comme un échec mais comme une déception. Après, ça n’aurait pas été définitif. J’aurais toujours eu l’envie de revenir un jour, parce que je ne me vois pas rester toute ma carrière ici non plus. Dans ce monde-là, on bouge beaucoup. Et m’entraîner à ce niveau, ça ouvre des portes. Pour l’instant, je veux performer ici, c’est très clair.

C’est drôle de se dire, qu’avec les contraintes en championnat (Brest peut convoquer qu’un groupe de 14 joueuses contre 16 en Europe), j’ai plus de temps de jeu en Ligue des champions qu’en Ligue féminine.

Comment vivez-vous ces premières semaines en tant que professionnelle à part entière ?

Ce n’est pas parce qu’on signe un contrat que tout est acquis, il faut prouver derrière. J’avais hâte de voir comment la présaison allait se passer, si ce nouveau statut allait changer quelque chose. Je ne suis plus la petite du centre de formation. Il faut répondre aux attentes, et je trouve que la manière dont j’ai été utilisée sur la prépa et le début de saison m’a confortée. Les coachs m’ont fait confiance, ça m’a galvanisée. Je me suis dit : « Ça y est, c’est lancé ».

Et comment vivez-vous cette concurrence avec Floriane André et Camille Depuiset ?

On est un trinôme, ce n’est pas idéal parce qu’il faut beaucoup de rotations et qu’il y a toujours des choix à faire. Aujourd’hui, j’ai un statut de numéro 3. Ce n’est pas toujours facile à gérer, entre frustration et temps de jeu, mais ça me fait énormément grandir. Je travaille avec deux internationales françaises, donc c’est très formateur. Mon rôle, c’est d’être prête, même pour un penalty. Ce n’est pas simple, mais c’est le jeu. Et c’est drôle de se dire, qu’avec les contraintes en championnat (Brest peut convoquer qu’un groupe de 14 joueuses contre 16 en Europe), j’ai plus de temps de jeu en Ligue des champions qu’en Ligue féminine.

Depuis ce changement de statut, est-ce que vous estimez déjà avoir progressé ?

Clairement. Même en quelques semaines, ça se sent. Faire toute la prépa avec les pros, c’est un autre niveau. Physiquement, ça envoie. Mes objectifs ont changé : avant, c’était d’avoir une feuille de match, maintenant, c’est de performer, d’avoir des stats, de gagner du temps de jeu. Quand je revois des images d’il y a deux ou trois ans, je me dis : « Ce n’est plus la même joueuse ». En quelques mois, on change énormément ici.

J’ai de gros objectifs : Coupe de France, championnat, Ligue des champions. Je ne m’interdis pas de rêver.

Est-ce qu’il vous arrive d’être toujours impressionnée par certaines de vos coéquipières comme vous pouviez l’être quelques années auparavant ?

Un peu, mais différemment. Le regard de « fan » est parti depuis longtemps. Mais parfois, sur une action, je me dis : « Waouh, là, c’est du très haut niveau ». Mais sur le terrain, je n’y pense pas. Je suis concentrée. Je sais où je veux aller. J’espère que ce n’est qu’un début.

Le style de jeu du BBH demande beaucoup de vitesse, même pour les gardiennes. Est-ce quelque chose que vous appréciez ?

J’adore que les gardiennes soient considérées comme les premières attaquantes. On doit être rapides, justes, capables de relancer immédiatement. Je ne suis pas très grande (1,77 m), donc j’ai dû développer d’autres qualités : explosivité, vitesse d’enchaînement, relance. C’est devenu un atout, surtout dans un handball qui va de plus en plus vite. Avant, j’avais peur de rater ma première passe, maintenant je suis plus relâchée. Ce jeu rapide me correspond vraiment.

Viser des titres, pour votre première saison pro, il y a pire, non ?

Oui, c’est fou ! Ce serait une première médaille pour moi. Commencer une carrière comme ça, c’est incroyable. En général, les gardiennes atteignent ça plus tard, avec l’expérience. Moi, j’ai cette chance maintenant. Je sais que je l’ai méritée, que j’ai travaillé pour. Et j’ai de gros objectifs : Coupe de France, championnat, Ligue des champions. Je ne m’interdis pas de rêver.

Et vous avez ce recul pour savourer ?

Oui, bien sûr. Tous les jours, je me lève avec plaisir. Je me dis souvent qu’il y a pire que de se lever pour jouer au handball. Le plaisir, c’est mon fil rouge. Quand j’ai un coup de mou, je me rappelle pourquoi j’ai commencé à 7 ans : parce que j’aimais ça. Le jour où je n’aurai plus de plaisir, ce sera peut-être le moment de faire autre chose. Mais pour l’instant, c’est ce qui me galvanise. Même quand on se lève à 4 h pour un déplacement, je me dis : il y a des gens qui se lèvent à 4 h pour aller à l’usine. Le hand est devenu mon métier. C’est une chance qu’il représente aussi ma passion.