Le contexte
- Selon les dernières données de l’Insee, la Bretagne est la région la plus attractive de France.
- Une situation qui pose la question du partage des ressources, notamment en eau.
- Le secteur agroalimentaire, dominé par les entreprises de viande, de fruits et légumes et de lait, tente de trouver des solutions pour faciliter la cohabitation avec la population.
Lamballe. Ses maisons à colombages, ses lavoirs mais aussi le fief de la puissante coopérative Cooperl. En 2024, c’est ici que le spécialiste de la production porcine va démarrer à grande échelle une nouvelle activité. Il s’agit de la culture de spiruline, dont une molécule, la phycocyanine, est un puissant antioxydant. Quel rapport entre les élevages de cochons et les compléments alimentaires anti-âge à base de phycocyanine que l’on devrait retrouver en pharmacie dès 2025 ? La question fait sourire Franck Porcher, directeur général de Cooperl Environnement. « Pour produire des micro-algues, il faut de la chaleur, du CO2 et de l’eau. Autant d’éléments que nous avons ici en abondance », assure-t-il. C’est la dernière étape d’un schéma d’économie circulaire développé depuis ces trente dernières années.
Fierté pour les éleveurs
À la sortie de la ville où la Cooperl a établi son siège social, son plus grand abattoir et les principaux outils de sa branche environnement, on distingue de loin le méthaniseur, mis en service en 2019 et alimenté à partir de matières organiques issues d’une centaine d’élevages, qui produit du biogaz pour le réseau GRDF de la ville. Un peu plus loin, Combioval, le site qui fonctionne depuis 2008, récupère les déchets graisseux des différents sites d’abattage de la Cooperl pour en faire du combustible. « C’est une vraie fierté pour les éleveurs d’en être arrivé là. C’est maintenant que l’on se rend compte que tout ce que l’on a fait depuis trente ans va réellement nous permettre de décarboner notre entreprise. Notre objectif est d’y parvenir dès 2040 », poursuit le directeur.
À l’image de la Cooperl, nombreuses sont les entreprises agroalimentaires de la région qui ont choisi de placer l’environnement au cœur de leur stratégie de développement. Car depuis la directive Nitrates de 1993 – visant à réduire la pollution des eaux provoquée par les nitrates utilisés à des fins agricoles -, les enjeux restent les mêmes. L’agroalimentaire breton doit composer avec le partage des ressources, l’eau, les sols. « Avec une entreprise agroalimentaire à moins de 30 kilomètres de chaque Breton, le maillage territorial du secteur est extrêmement serré. Même si la cohabitation est ancienne, elle devient difficile car la région est attractive et les friches industrielles réduites. D’ici à 2050, 400 000 nouveaux habitants sont attendus. Mais où va-t-on les installer ? », s’exclame Marie Kieffer, directrice générale de l’Association bretonne des entreprises agroalimentaires, l’ABEA.
L’eau et l’agroalimentaire en Bretagne
- 12 % : la part des prélèvements en eau des industries agroalimentaires (IAA) dans les prélèvements totaux des usagers en Bretagne
- 150 000 €/an/entreprise, le montant moyen de l’investissement des IAA pour économiser l’eau
- 43 % : la part de l’eau utilisée pour les opérations de nettoyage dans les IAA
Source : ABEA
Recours administratifs
De fait, il y a quelques mois, Louis Le Duff, fondateur et patron du groupe qui porte son nom (Brioche dorée, Pizza del Arte et Bridor), a, lassé des recours administratifs formulés par les associations écologistes, fini par jeter l’éponge et annoncé l’abandon de son projet d’usine de viennoiseries surgelées à Liffré, en Ille-et-Vilaine, là où se trouve déjà le siège social du groupe. L’usine devait s’étendre sur 21 hectares et embaucher 500 personnes.
« Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre dix ans, voire certainement davantage, pour que notre projet industriel aboutisse, lorsque nos concurrents à l’étranger mettent un à deux ans maximum pour obtenir les mêmes autorisations de construction ! », regrettait alors Louis Le Duff par voie de communiqué, le 30 mai 2023. Les militants écologistes, inquiets de la consommation d’eau que pouvait entraîner une telle installation, ont multiplié les manifestations auprès de l’opinion publique et les recours administratifs.
Faire partie des solutions
Il est vrai qu’au cours de l’été 2022, la sécheresse et les incendies ont marqué les esprits. Cet été-là, 8% des entreprises réunies au sein de l’ABEA ont été contraintes d’arrêter une ligne ou de fermer un atelier, après la mise en place des restrictions en eau imposées par la préfecture. Si l’été 2023 a été nettement plus facile, les dernières restrictions imposées en Ille-et-Vilaine par les services préfectoraux ont cependant été levées seulement à la mi-novembre 2023. Le secteur agroalimentaire, dominé par les entreprises de viande, de lait et de fruits et légumes, est à l’origine de 12 % du total des prélèvements d’eau. Un pourcentage supérieur à la moyenne observée dans d’autres régions et qui s’explique par la structure du secteur.
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« La situation est fragile », reconnaît volontiers Marie Kieffer, de l’ABEA. Et la colère des agriculteurs, qui s’est répandue comme une traînée de poudre en Bretagne et dans le reste de la France il y a quelques semaines, est là pour le rappeler. Pour dégager des marges, les entreprises ont besoin de saturer leurs outils mais les volumes agricoles, qu’il s’agisse du lait ou du porc, sont en baisse. « À l’ABEA, notre rôle est d’expliquer ce que fait le secteur et de favoriser le dialogue social entre les entreprises et les citoyens. La pédagogie doit l’emporter sur la technique. Mais surtout, nous nous devons d’être irréprochables en matière de datas, notamment sur la consommation d’eau du secteur », poursuit la directrice générale de l’association. « On fait partie des problèmes, mais aussi des solutions », veut croire Olivier Clanchin. Très engagé, le président du groupe Olga (ex-Triballat-Noyal) n’a de cesse depuis presque vingt ans – il est arrivé à la tête de l’entreprise familiale en 2005 – de faire rimer développement économique de son entreprise et préservation de l’environnement.
Olivier Clanchin, président du groupe Olga
« Il ne faut pas opposer les modèles. Si nous voulons travailler le végétal, il faut des animaux et inversement. »
De fait, sur le site de Châteaubourg, où se trouve la plus grosse usine du groupe dédiée à l’activité végétale, l’installation depuis plus de dix ans d’une éolienne, d’une chaudière biomasse et, plus récemment, d’ombrières photovoltaïques permet de produire 40 % de l’énergie consommée par le site. Olivier Clanchin poursuit le travail sur le bio et le végétal. Avec un chiffre d’affaires (340 millions d’euros en 2023) qui se répartit à parts égales entre le végétal, l’animal, le bio et le conventionnel, « il ne faut pas opposer les modèles. Si nous voulons travailler le végétal, il faut des animaux et inversement », rappelle le patron militant, engagé dès la première heure dans la Convention des entreprises pour le climat (CEC). Aussi président de la commission environnement à l’ABEA, il poursuit : « Les contraintes nous poussent à travailler ensemble. Depuis 2019, une trentaine d’entreprises sont, au sein de l’ABEA, impliquées dans une réflexion sur la gestion de l’eau. »
À Châteaubourg, le site d’Olga produit 40 % de l’énergie consommée
- 4 M € : le montant de l’investissement pour ces équipements
C’est entre Rennes et Vitré que se trouve le plus grand site industriel d’Olga dédié à l’activité végétale. Visible de loin grâce à son éolienne, le site, qui s’étend sur près de 11 600 m², transforme graines de soja, de chanvre, d’avoine et d’épeautre en boissons et desserts. Il est, depuis 2015, doté d’une chaudière biomasse, d’une éolienne (depuis 2012) et d’ombrières photovoltaïques (depuis fin 2022). De quoi produire près de 40% de l’énergie consommée par le site.
Recyclage des eaux usées
Sans attendre les difficultés de l’été 2022, l’ABEA a, en effet, depuis ces dernières années, initié une politique de gestion quantitative de l’eau selon la logique des 3R : Réduire, Réemployer, Recycler. Alors que le réemploi de l’eau est une pratique maîtrisée des entreprises agroalimentaires bretonnes (une sur deux est équipée de boucles de réemploi interne), le secteur s’est mobilisé pour mettre en œuvre le « troisième R », autrement dit le recyclage des eaux usées traitées et la récupération de l’eau issue des matières alimentaires, notamment dans le lait. Et, bonne nouvelle, la mesure attendue avec impatience depuis septembre 2023 par les industriels de l’agroalimentaire bretons va enfin pouvoir être mise en œuvre.
Marie Kieffer, directrice générale de l’Association bretonne des entreprises agroalimentaires (ABEA)
« Même si la cohabitation est ancienne, elle devient difficile car la région est attractive et les friches industrielles réduites. D’ici à 2050, ce sont 400 000 nouveaux habitants qui sont attendus. Mais où va-t-on les installer ? »
Le décret REUT (Réutilisation des eaux usées traitées) dans les industries agroalimentaires a en effet été publié par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire le 25 janvier. Selon l’ABEA, 28 sites industriels de la région sont d’ores et déjà prêts à réaliser les investissements nécessaires. La technologie d’ultrafiltration ou d’osmose inverse est bien connue mais le recyclage des eaux usées suppose pour les industriels d’avoir leur propre station d’épuration. À la clé, une réduction de leurs prélèvements de 2,5 millions de mètres cubes, soit l’équivalent de la consommation annuelle de la ville de Vannes (54 000 habitants).
Des projections qui permettraient d’envisager plus sereinement l’avenir et notamment les périodes estivales de fortes tensions. « Mieux vaut se préparer. Dans cinquante ans, la Bretagne aura le même climat que le nord de l’Espagne », conclut Laurent Labeyrie, climatologue et membre du Haut Conseil breton pour le climat.
À Lamballe, le roi du cochon parie sur la valorisation à 100 % des déchets
- 300 M € : le montant investi depuis trente ans dans Cooperl Environnement
- 350 000 t : le volume de coproduits valorisés chaque année
Le méthaniseur du projet Émeraude bio-énergie, à Lamballe, est alimenté par les déchets d’une centaine d’élevages.
À la Cooperl, le lisier qui ne peut être épandu faute de surfaces est collecté et transformé en fertilisants naturels. Les parties du cochon (os, sang, soie) qui ne sont pas destinées à la consommation humaine sont transformées en protéines et graisses pour le petfood et l’aquaculture. La combustion de la biomasse issue du traitement du lisier et les graisses de flottation permettent de produire de la vapeur thermique à 180°C, principale source d’énergie pour l’ensemble des outils de production de la Cooperl à Lamballe. Le méthaniseur, mis en service en 2019 et alimenté à partir de matières organiques issues d’une centaine d’élevages, produit du biogaz qui, une fois purifié, est injecté dans le réseau GRDF de la ville de Lamballe. Enfin, la récupération des graisses de flottation permet, après une étape de transformation, d’alimenter la flotte de camions de la Cooperl en biocarburant.
Franck Porcher, directeur de Cooperl Environnement
« Au début des années 1990, c’est sous les contraintes réglementaires, et notamment la directive Nitrates, que les éleveurs se sont intéressés à l’environnement. Avec des excédents structurels et très peu de surfaces, il fallait bien trouver une solution pour continuer à produire. »
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