Quentin Top / HANS LUCAS
École buissonnière
Publié le 15/05/2025 à 18:00
Lancée en 2017 à l’initiative de paysans de Bretagne, la formation « Paysan créatif » permet de garantir la réussite de transitions professionnelles vers les métiers de l’agriculture. Sur plus de 200 stagiaires formés et suivis par des professionnels, plus des trois quarts ont réussi leur installation.
Été 2023. Dominique Madec reçoit dans sa ferme des environs d’Hillion, près de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), où il gère, avec son associé Benoît Cabaret, deux ateliers de production : l’un de lait, l’autre de cidre et jus de pomme. Jusqu’en 2018, il vivait en région parisienne, où il travaillait dans la fonction publique territoriale. Puis l’envie d’un changement de vie l’a conduit à passer – à distance – son Brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA). « Mais je manquais encore de pratique concrète », considère-t-il. Il s’est donc inscrit à la formation « Paysan créatif » en novembre 2022.
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Encadrée par la Coopérative d’installation en agriculture paysanne des Côtes-d’Armor (CIAP 22), celle-ci dure un an et immerge le stagiaire dans le métier qu’il souhaite exercer sous la supervision de deux paysans référents. « Ça permet d’observer un cycle complet de production et ça aide à se projeter, à mesurer les pics de production, à approcher les divers aspects du métier », explique Dominique Madec. Près de deux ans après le terme de sa formation, bien installé, il est même devenu l’un des porte-parole de la Confédération paysanne dans le département.
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Lancée en 2017, cette formation s’inscrit dans une politique du conseil régional de Bretagne visant à doubler le nombre d’installations aidées et passer à mille par an d’ici 2028. La région qui comptait, en 2024, 26 300 fermes et 55 200 actifs agricoles (dont 36 400 chefs d’exploitation et co-exploitants), maintient une dynamique élevée de 750 installations par an, dont 500 aidées. Cependant, alors que 2 000 candidats environ entament chaque année une formation agricole, on compte en moyenne une installation pour trois départs en retraite.
Salarié puis exploitant
Les stagiaires de « Paysan créatif » sont en majorité des « Nima » (personnes non-issues du milieu agricole) dont la réorientation professionnelle vers la paysannerie a pour objectif la reprise de ferme. Ils choisissent donc les professionnels référents selon la spécialité qu’ils ont choisie (élevage, maraîchage, arboriculture, transformation…) et, auprès d’eux, affinent leur compréhension du métier dans toutes ses dimensions. « L’enjeu est bien de tester l’activité sur une année entière, qui prend donc en compte les saisons, et de se former le plus complètement possible pour avancer sur le projet et acquérir toutes les compétences du métier », résume Emmanuelle Billard, coprésidente de la CIAP22 et éleveuse de vaches laitières.
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L’accompagnement permet d’envisager l’envergure et la pertinence d’un projet – car un « Nima » peut avoir l’ambition de développer plusieurs activités mais ne pas se rendre compte de leur caractère chronophage et usant –, mais aussi la comptabilité, les pratiques agricoles à proprement parler ou l’acquisition foncière. Sur ce point, la CIAP 22 fait bénéficier les stagiaires de son expérience et de son réseau.
Ceux-ci peuvent aussi compter sur un groupe d’appui local, qui peut inclure des élus et des agriculteurs. Cela contribue à fournir les moyens de réussir une installation pérenne. À cette fin, et pour tout d’abord aux stagiaires d’aller jusqu’au terme de la formation, la Région prend en charge les coûts pédagogiques en versant la subvention aux structures, ainsi que l’indemnité de la formation professionnelle pour les stagiaires qui n’ont plus d’indemnités chômage, à hauteur de 800 à 1 000 euros. Au soutien de la Région, s’ajoute celui des Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à la CIAP 22. Les chiffres sont éloquents : 76 % des quelque 202 stagiaires s’installent à l’issue de la formation, les autres choisissant souvent, au moins temporairement, d’être salarié agricole… en attendant de devenir, à leur tour, exploitants.
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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne