Manque de disponibilité, peur de ne pas savoir, crainte de manquer de légitimité… les freins sont nombreux. Pour les aider à franchir le pas, la FDSEA et les JA du Morbihan ont invité de femmes à venir témoigner, le 21 novembre dernier, à Grand-Champ.
Présidente du CNJA, de la FNSEA, du Copa-Cogeca… On ne présente plus Christiane Lambert, qui fait régulièrement la Une des médias. Mais elle est aussi productrice de porcs dans le Maine-et-Loire, maman et grand-mère. Un parcours qui ne laisse pas les agricultrices indifférentes.
« Je suis née dans le Cantal, dans une famille d’agriculteurs », commence-t-elle à dérouler. « Mes parents se sont connus à la JAC. Ma mère, salariée au Crédit Agricole, a arrêté de travailler pour élever ses enfants ». Son père, inséminateur, poursuivra son travail à l’extérieur durant toute sa carrière, sa ferme, trop petite, ne suffisant pas à faire vivre la famille.
La valeur travail en héritage
« J’ai hérité de la valeur travail de mes parents et de ma grand-mère, veuve à 52 ans », indique Christiane Lambert, bosseuse infatigable. Elle n’a encore que 8 ans quand elle décide qu’elle aussi s’installera en agriculture. Elle opte donc pour un Bac D’ puis un BTS, en Haute-Loire voisine. Une expérience qui la marquera. « Je n’étais jamais partie en vacances. Et dans ma formation, j’ai eu la chance de côtoyer des jeunes issus de 50 départements. Ça m’a ouvert les yeux et les oreilles ». Jusque-là réservée, elle prend de l’assurance. Et son diplôme en poche, elle s’installe seule « à 19 ans et 5 jours », sur une exploitation de 25 ha, avec vaches laitières et truies.
Une rencontre déterminante
Déléguée de classe, capitaine de l’équipe de hand… : Christiane Lambert a toujours été engagée. Et lors de sa formation, un échange avec Michel Teyssedou, alors vice-président du CNJA, le centre national des jeunes agriculteurs, a été le déclic. « Il m’a impressionnée ! Il connaissait tous les dossiers, a réussi à tracer une vision pour l’agriculture et à nous donner l’envie de suivre ».
Aussitôt installée, elle adhère au CCJA, le centre cantonal des jeunes agriculteurs. « On était 5 à la première réunion, 55 à la seconde ». Entre-temps, les adhérents ont pris leur bâton de pèlerin et sont allés chercher leurs voisins.
Dans la foulée, la jeune femme est élue présidente du CCJA, vice-présidente du CDJA du Cantal un an plus tard. Pour assumer au mieux ses nouvelles responsabilités, elle bénéficie de deux formations à l’Ifocap, sur la prise de parole en public et l’animation de réunions.
Du CCJA au CNJA
Présidente du CRJA d’Auvergne en 1986, elle rencontre Thierry, son futur mari, et le suit dans le Maine-et-Loire, où ses parents étaient éleveurs de porcs. « Et j’y ai retrouvé une équipe ». Vice-présidente du CCJA puis du CDJA et du CRJA, elle intègre le bureau du CNJA en 1992, avant d’en assumer la présidence en 1994.
« Notre premier fils était né en 1989, le second en 1991 ». Plutôt que d’embaucher quelqu’un sur la ferme, c’est pour la remplacer à la maison, auprès de ses enfants, qu’elle cherche une nounou. « Laure est restée 23 ans à la maison, jusqu’aux 14 ans de ma fille, née en 1999. Une perle ». Mais pour autant, et elle ne s’en cache pas, s’engager n’est pas si simple. « Nous étions en pleine période de construction sur la ferme. J’adore la bétonnière. Mais il faut savoir laisser sa place pour aller faire autre chose ». Longtemps l’a aussi taraudée un sentiment de culpabilité vis-à-vis de ses enfants. « J’avais tellement peur qu’ils me reprochent, un jour, des responsabilités qui m’ont souvent tenue éloignée d’eux ». Pour tenir, le couple a mis au point une solide organisation. « Et j’ai un mari formidable qui, lui aussi, s’est engagé, d’abord à l’APEL et à l’OGEC, à l’école des enfants, puis au sein du groupement de producteurs, dont il assume aujourd’hui la présidence ». Et Christiane Lambert d’en profiter pour distiller quelques conseils. « Dans un couple, il est important que chacun s’engage, et aille s’enrichir à l’extérieur pour en faire profiter la famille ».
Première femme à la tête de la FNSEA
Présidente du CNJA pendant 4 ans, c’est à ce titre qu’elle siège d’abord à la FNSEA, où elle côtoie Jean-Michel Lemétayer, avant d’être élue à la FDSEA du Maine-et-Loire. « Tout n’a pas toujours été facile », indique Christiane Lambert. « Il faut savoir faire face aux critiques. Et il a parfois fallu que je m’impose ».
La voilà de retour à la FNSEA. « On m’a fait confiance ». Et elle devient première vice-présidente de Xavier Beulin, « un poste qui permet de s’ouvrir à plein de sujets satellites ». Au décès brutal de ce dernier, elle lui succède à la présidence, et est la première femme à occuper ce poste. « J’ai un peu hésité… J’avais vu Jean-Michel et Xavier souffrir. Mon mari m’a dit vas-y : on y arrivera ». Elle le reconnaît volontiers, « ce furent six années de fou ! » Travailleuse acharnée, elle aime apprendre et élargir la palette de ses compétences. « Mais j’ai aussi beaucoup reçu », affirme-t-elle, en évoquant les rencontres, les expériences… « Et on a obtenu des avancées : les états généraux de l’alimentation, le Manger français, l’assurance climat, les retraites… ». Un travail que la profession reconnaît ! « Aux élections à la chambre d’agriculture, la FNSEA a obtenu 55,55 % des suffrages, un chiffre qu’on n’avait jamais atteint ».
Mais après 6 ans à un rythme infernal, avec une demi-journée disponible par semaine, elle souhaite tourner la page. « Jean-Michel et Xavier sont tous deux décédés prématurément. Je n’avais pas envie de finir comme eux ». Deux fois grand-mère, elle aspire à une vie plus normale, même s’il lui reste encore de nombreuses responsabilités, dont la présidence du Copa-Cogeca, qui regroupe coopératives et syndicats agricoles européens.
Il faut un déclic pour se lancer
« Il manque de femmes engagées en agriculture », affirme avec force Christiane Lambert qui, avec du recul, regrette de n’avoir pas cherché à imposer 30 % de femmes à la FNSEA, comme c’est aujourd’hui le cas au sein des chambres d’agriculture. « Elles sont présentes dans les écoles, les associations sportives, les municipalités… Il faut les pousser vers les OPA, les organisations professionnelles agricoles ». Et si elle témoigne de son propre engagement à chaque fois qu’on le lui demande, c’est parce qu’elle sait qu’il faut un déclic pour oser se lancer. « Ce peut être une situation, une personne… ».
Mais beaucoup de femmes hésitent. « Elles se posent beaucoup de questions, craignent d’être jugées… Je leur conseille de voir ce qui leur plaît, ce qui leur pèse, et de faire la balance ». De nombreuses pistes peuvent être explorées pour leur faciliter l’accès aux responsabilités. « Laisser sa famille est toujours compliqué. Mais il faut se dire qu’on revient plus riche de ces engagements, que la famille grandit aussi au contact de ce qu’on amène de l’extérieur ».
« Il y a encore des choses à défendre. Et personne ne le fera à notre place ».
« Fille d’agriculteurs, j’ai juré, comme tant d’autres, de ne jamais revenir à la ferme », se souvient Monique Danion. Enseignante, elle épouse un agriculteur. « Et de fil en aiguille, je me suis dit que ce ne serait pas si mal de m’installer ». Le déclic viendra d’un séjour de 4 jours en Auvergne, avec le GVA, le groupement de vulgarisation agricole. « J’y ai vu des femmes épanouies, bien dans leur métier ». Elle franchit à son tour le pas, mais se dit qu’elle a aussi besoin de voir autre chose et cherche à s’engager. « C’était l’époque de la grève du lait. Je me suis rapprochée du CCJA, mais ils n’ont pas voulu de moi. Je suis donc allée au GVA ». Dans la foulée, elle s’investit au sein de l’équipe municipale de la Vraie-Croix. « Il est important de s’engager pour faire bouger les choses », affirme celle qui a été maire pendant 25 ans, de 1995 à 2020. Un poste difficile ? « Il faut une bonne santé, une bonne organisation et l’accord du conjoint ». Sollicitée par Jean-Yves Le Drian pour siéger au conseil régional, elle hésite un peu puis finit par accepter, un poste qu’elle occupera de 2004 à 2015. « Pour m’aider dans mes responsabilités, j’ai suivi beaucoup de formations. Et c’est bien connu, les femmes travaillent beaucoup ».
Une formation pour les agricultrices
Parmi les réalisations dont elle est le plus fière, figure en bonne place une formation mise en place pour les agricultrices. « Elles voulaient s’installer, mais n’avaient le plus souvent pas de diplôme qui leur permette de bénéficier de la DJA, la dotation jeune agriculteur ». En 4 mois, 3 en centre et 1 en stage, elles peuvent obtenir un BPA, un brevet professionnel agricole. « Certaines, déjà sur l’exploitation ou avec de jeunes enfants, avaient du mal à se libérer pendant 4 mois. On a donc expérimenté un BPA par unités capitalisables, avec une journée par semaine en centre ». Une formation qui rencontre un tel succès auprès des agricultrices qu’elle est reprise par d’autres corps de métier.
Disposant désormais de plus de temps, l’agricultrice retraitée s’est attelée, avec quatre autres femmes de la commune, âgées de 75 à 92 ans, à la rédaction d’un livre de souvenirs. « Nous voulions transmettre notre expérience, notre vécu ». Et d’inciter les femmes à s’engager. « Il y a encore des choses à défendre. Et personne ne le fera à notre place ».
« On a tout fait pour me décourager »
« Pour moi, c’était une évidence ». Fille d’ostréiculteurs, Anita Allain-Le Port ne réfléchit pas bien longtemps au moment de choisir son métier. Elle se forme à l’école maritime pour pouvoir se mettre à son compte. Et s’installe seule à 23 ans, en 1998, en s’entraidant avec ses parents. « J’étais aventurière, indépendante ».
Très vite, elle crée un groupe de professionnels qui veulent évoluer dans leurs pratiques et échange avec les agriculteurs. « Nous avons pu leur expliquer nos contraintes, les pollutions, les maladies…, mieux comprendre les leurs. Et avancer ensemble, trouver des solutions plutôt que d’accuser d’autres professionnels ».
Au fil du temps, elle améliore ses conditions de travail, en priorisant ses investissements pour ménager ses efforts, gagner du temps. « Mais tout ne s’est pas fait en un jour ». Elle se marie, a deux enfants, et doit réfléchir à une nouvelle organisation. « Mon mari est militaire, il est souvent absent. Je dois donc gérer seule, avec des horaires de travail atypiques pour tenir compte des marées ».
En 2001, elle est élue au sein de l’équipe municipale de Baden, où elle siège dans la minorité. « On a tout fait pour me décourager ». En 2007, elle poursuit son engagement, en étant cette fois élue au sein d’une banque. En 2014, la voilà dans la majorité municipale, avant d’être élue à Vannes agglo en 2020. Des engagements qui lui tiennent à cœur. « Pour ne pas subir, il faut proposer, ne pas avoir peur, oser s’exprimer ». Son conseil ? « L’ostréiculture a traversé des crises, avec de fortes mortalités. Et j’ai dû faire face à un cancer. À chaque fois, je me suis battue, j’ai tenu bon et je suis restée confiante en attendant des jours meilleurs ». Et de conclure sur un cri du cœur. « Agricultrices comme ostréicultrices, nous pouvons être fières de nos métiers : nous nourrissons les gens et sommes incontournables, ce qui est une force ».
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