« Alors, il tient ce turbo ? Il ne tombera pas ? » Mercredi 27 mars 2024, Stéphane Droual, enseignant poids lourds, se penche au-dessus du travail des quatre jeunes venus tester, dans l’atelier du Centre de formation d’apprentis (CFA) de Lorient et pour quelques heures, le métier de mécanicien poids lourds. C’est la deuxième année que le CFA organise cette « journée dans la peau d’un mécanicien », véritable opération séduction pour recruter des élèves en Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou Bac pro à la rentrée.

« On a libéré les ateliers pour la journée et les formateurs sont présents », explique Valérie Chauve, développeuse de l’apprentissage au CFA. Les jeunes ont enfilé des tenues de travail et manipulent outils et écrous. « On leur fait faire des gestes un peu techniques et intéressants pour les captiver », détaille Stéphane Droual. « Et j’en profite pour parler avec eux, voir où ils en sont dans leurs projets ». Comme chaque année, le CFA peine à remplir les classes sur ce créneau mal connu et en tension.

« Selon les années, on a huit à dix élèves par classe, pour une capacité de douze », annonce Valérie Chauve. C’est deux fois moins que dans les formations voitures, qui elles, recrutent sans problème chez les jeunes. La faute, selon les différents intervenants de cette journée, à une mauvaise représentation de ce métier. Sale, pas sécuritaire, mal payé… « Faux », répond Wendy Bucher, chargée de recrutement régional grand Ouest chez Alliance Automotive Group, entreprise de distribution de pièces détachées. « Nos garages sont chauffés, fermés, on a des équipements de sécurité ». Et côté salaire, un mécanicien poids lourds touche « en moyenne 30 % de plus » que ses collègues spécialisés en véhicules légers. Wendy Bucher a fait le déplacement depuis le siège de l’entreprise en région parisienne pour participer à la journée lorientaise et – avec un peu de chance – recruter des apprentis. Aux jeunes venus participer à l’atelier, elle n’y va pas par quatre chemins : « On est sur des métiers tendus. Sur le poids lourd, on veut vous former, et vous recruter ensuite », leur annonce-t-elle. L’entreprise embauche en permanence des mécaniciens poids lourds. Une dizaine de postes d’alternants sont ouverts dans le grand Ouest pour la rentrée 2024.

Histoire familiale

« C’est long de changer les représentations d’un milieu », reconnaît Valérie Chauve. Résultat, « les jeunes qui viennent en poids lourds ne viennent en général pas par hasard. Souvent c’est familial, il y a un père ou un grand-père qui a travaillé dans le milieu », observe Stéphane Droual. C’est le cas d’Atanaël, jeune élève de troisième à Brec’h, qui participe à l’atelier. Cette année, il a fait son stage de découverte dans le garage où travaille son père, à Vannes, et a bien accroché. En revanche, aucune fille parmi les candidats. En 28 ans d’enseignement, Stéphane Droual n’en a formé que deux. L’une d’elles n’a pas terminé le cursus. L’autre s’est réorientée vers le métier de chauffeuse.